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Profil : le visiteur de défunts

Ce soir j’ai envie de vous parler d’un usage assez spécial des Tessinois : la visite aux défunts ! Je ne pense pas que ce soit une spécificité de mes terres natales, mais ici cet usage a pris une signification particulière et certaines personnes ne pourraient pas survivre sans cela… Il y en a dans toutes les familles et la mienne n’est pas immunisée de ce phénomène de société.

Voici comment reconnaître le typique « visiteur des gens décédés » : chaque matin, pendant son petit déjeuner ou sa pause de dix heures, le personnage en question (qui a souvent déjà passé la cinquantaine) parcourt les avis mortuaires dans le journal en espérant presque d’y apercevoir le nom d’une personne qu’elles connaissent… Ce n’est pas nécessaire que le défunt fasse partie de sa famille ou du cercle des amis proches ; il suffit que ces spécialistes des visites aux défunts aient eu la chance de les croiser une fois de leur vivant pour avoir l’honneur d’être visités par eux à la morgue ou bien à la chambre funéraire.

Si la chasse au défunt a été fructueuse, le « visiteur » prévient son cercle d’amis visiteurs et tout le monde se met d’accord pour aller rendre visite au décédé ; hélas, ce qui est parfois amusant c’est que ces visiteurs n’ont jamais rendu visite à cette personne lorsqu’elle était vivante et ils le font lorsque probablement elle s’en fout si quelqu’un est venu la voir ou pas. Eh bien, cet usage prévoit aussi que les « visiteurs » rencontrent la famille et distillent des mots gentils sur la vie exemplaire de la personne décédée : cela relève bien entendu d’une bonne dose d’entraînement (certains « visiteurs » sont quasiment des professionnels et font ça à longueur de journée) et aussi savoir être un tout petit peu faux cul ou hypocrite.

Si je vous parle de cela c’est parce qu’aujourd’hui j’étais chez ma grand-mère en train de boire un café et elle a reçu un appel : c’était sa belle sœur qui lui demandait si elle avait envie d’aller rendre une dernière visite à une dame qui est décédée ce matin. Or il faut savoir que ma grand-mère doit s’occuper de mon grand-père 24 heures sur 24 et lorsqu’elle a reçu cet appel était justement en train de souffler vu que papy était à l’hôpital en train de faire sa dialyse. Mamie utilise ses moments pour se reposer et se ressourcer : elle aura bientôt 77 ans et ce n’est pas toujours évident pour elle de s’occuper de papy et donc lorsqu’il est à l’hosto elle se repose… Et cette belle-sœur (ma mère « l’adore ») voulait que mamie aille avec elle voir une dame qu’elle avait peut-être vu une fois dans sa vie.

Cette belle-sœur (tante Carmen) correspond pas mal au stéréotype du « visiteur » : elle et son mari sont toujours au courant de tous les décès de la région (le fait qu’ils aient un restaurant les aide pas mal à récolter toute les informations nécessaires) et sont une véritable mine d’informations. Quoiqu’il en soit cet après-midi tante Carmen nous a bien fait rire avec sa visite… de plus qu’on la connaît assez bien et elle va bien avec le personnage de « visiteur » : elle est toujours fatigué et en train de se plaindre qu’elle est fatiguée, qu’elle a trop de boulot qu’elle ne va pas bien… Elle vient rendre visite à ma grand-mère juste pour s’installer dans un fauteuil et s’endormir… Enfin ce n’est pas une personne très vive… Son mari par contre c’est un excité du bocal… vous savez c’est ce genre de personne qui connaît tout le monde et qui arrive toujours à t’expliquer de qui il parle… exemple :

Tu n’sais pas qui c’est cette Dame ? Je suis sûr que tu la connais : mais oui c’est cette dame est la fille de ce Monsieur qui a épousé Madame X, la veuve de Monsieur Y qui avait aussi deux filles, qui ne sont donc pas les sœurs de la dame en question. Tu sais une de ces deux filles a épousé Monsieur W, ils ont eu trois enfants et l’aîné travaille pour la société électrique tandis que les deux autres sont morts dans un accident. Dans la voiture il y avait aussi la sœur à Madame X, celle qui avait épousé le banquier de Lugano, oui… tu te souviens, le banquier auquel on attribuait une relation avec la sœur de Monsieur Y.

Enfin, je ne sais pas si vous y avez compris quelque chose, mais tante Carmen, son mari, mes grands parents et mon père peuvent discuter ainsi pendant des heures… Ils touchent à une bonne partie de l’arbre généalogique de la région de Bellinzona.

Bon, je crois avoir fait le tour de la question des « visiteurs ». A première vue cet article pourrait sembler macabre ou morbide, mais j’ai essayé de le rédiger de manière amusante.

Bien à vous

Votre Paadre dévoué

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